J'ai pris ma retraite en décembre 2007, après plus de 30 ans de service à la Radio

Je suis rentrée à la Radio en Janvier 1974, je l'ai quittée en décembre 2007 grâce à l'accumulation de mes RTT.

J'ai commencé ma carrière à l'ORTF, j'avais 25 ans, en devenant "Assistante de Production Radio".
J'ai effectué deux mois de stage à Bry-sur-Marne, où j'ai appris la partie technique de mon métier.
J'ai ensuite travaillé sous la direction de réalisateurs expérimentés, en débutant avec Henri Soubeyran.

Après le démantèlement de l'ORTF le 31 décembre 1974, j'ai été réintégrée à Radio France, où j'ai continué à travailler sur des dramatiques, puis par la suite sur des émissions documentaires sur des thèmes variés, sur France Culture.

J'ai fait partie à mes débuts de l'équipe de l'émission "Les Chasseurs de son" avec Jean Thévenot, et de "Black and Blue", une émission consacrée au jazz avec Lucien Malson et Alain Gerber.

Par la suite, je me suis spécialisée sur les émissions de Musique du Monde et de Jazz.

J'ai été promue "Chargée de Réalisation Radio" après de nombreuses années je dois dire, un titre juste financier puisque je réalisais déjà de façon autonome depuis pas mal d'années. Il ne faut pas oublier que nous étions à Radio France dans un système certes d’avancement d’échelon comme dans le fonctionnariat, mais aussi de promotion interne... à la tête de la personne, décidée par la hiérarchie. Et moi mes rapports avec ma hiérarchie n'ont jamais été fameux...

maison de la radio
Image d'Internet

Comment je suis entrée à l'ORTF

Après quatre années d'université tout en gagnant ma vie en travaillant dans un service informatique de l'INSEE, je me présente pour la deuxième fois (j'avais échoué à la première tentative) à un concours qui me permettrait d'entrer à l'ORTF, car je voulais faire de la télévision. J'ai râté le concours d'entrée à l'IDHEC, je ne connais personne dans le milieu cinématographique, je ne vois que cette possibilité pour réaliser mes rêves.

Je n'ai toujours pas terminé licence et maîtrise d'Anglais, et avec un bac comme tout diplôme seulement en poche, je ne peux prétendre qu'à un poste d'«assistante de production radio» ou de «thécaire». Le principal pour moi c'est d'avoir un pied à l'ORTF. Je me dis qu'une fois être entrée à la Radio, je pourrai ensuite, peut-être, réussir à entrer à la Télévision par des passerelles. C'est encore l'ORTF ! Une même maison. J'ai préféré postuler pour être «assistante de production radio» car au moins j'allais travailler dans les studios, ce que je souhaitais.

Dans les années 70, les concours d'entrée à Radio France étaient très sélectifs et réputés pour leur difficulté. On devait passer plusieurs épreuves, écites puis un entretien oral face à plusieurs professionnels.

On nous demandait de posséder une culture générale solide, essentiel pour réussir dans le milieu radiophonique. On testait nos connaissances littéraires, musicales, et notre connaissance de l'actualité politique et internationale. On devait aussi faire une épreuve d'analyse sonore.

Le taux de réussite était très faible, avec un pourcentage de réussite d'environ 2% pour plusieurs centaines de candidats.

Le concours d'entrée à Radio France dans les années 70 était un moyen de sélectionner des professionnels compétents, et le reflet des standards élevés de la radiodiffusion de cette époque.


réussite au concours
27 Décembre 1973 - Ma première réussite à un concours !

J'ai fait partie de la dernière promotion entrée à l'ORTF par un concours d'entrée. Par la suite il n'y aura plus de concours d'entrée, mais seulement des dossiers de candidature. Il est possible maintenant de devenir chargé de réalisation radio après une formation de deux ans (niveau bac) au sein d’une école spécialisée (privée), ou bien après un BTS Audiovisuel option Son.

Ma Promo 1974

Oui, nous aussi on parlait de "promo" tout comme dans les grandes écoles !
On est que 14 élus parmi des centaines qui se sont présentés au concours.

▫︎ Christine Bernard-Sugy
▫︎ Josette Colin
▫︎ Marie-Ange Garandeau
▫︎ Claude Giovannetti
▫︎ Marie-Cécile Mazzoni
▫︎ Jocelyne Pruvot

▫︎ Mehdi El Hadj
▫︎ Michel Gache
▫︎ Jean-Claude Loiseau
▫︎ Bruno Sourcis

Deux sont partis par la suite à la discothèque de Radio France :

▫︎ Dominique Catrou, comme thécaire
▫︎ Thierry Pons, comme directeur de la discothèque

Et deux autres après avoir réussi le concours n'ont pas intégré le poste :

▫︎ Jeanne Labrune, devenue scénariste, écrivaine, et réalisatrice de films.
▫︎ Jean-Marc Fombonne, devenu le co-fondateur de Radio Nova et écrivain.

C'est ainsi, qu'au lieu de travailler à la télévision, je me suis retrouvée à travailler à la Radio et à y rester toute ma vie à réaliser des émissions de radio, et en plus des émissions musicales, moi qui n'avais jamais réussi à apprendre à jouer du piano toute seule ni à lire le solfège...

Mes deux mois de stage à Bry-sur-Marne... c'était le bout du monde ! Traverser Paris d'Ouest en Est en métro + bus de banlieue... Une formation totale à la technique, notamment le montage son sur des bandes magnétiques, ciseaux, collant...

Après ces deux premiers mois j'ai intégré la maison de l'ORTF, enfin, et ses studios.

ORTF ORTF

Pour apprendre notre métier, on devait commencer par travailler deux années sur les dramatiques avec des réalisateurs. On nous disait que c'était sur les dramatiques que l'on apprenait ce qu'est le mixage.

Immédiatement après mon stage, je suis restée en doublure avec une assistante plus ancienne dans le métier, Rosemary Courcelle. Puis j'ai pris le poste qu'occupait Danielle Fontanarosa, et je devins l'assistante du réalisateur Henri Soubeyran, dit Soubey. Henri Soubeyran est un réalisateur chevronné, il réalise des dramatiques radio depuis les années 60...

Les dramatiques radio

Dès le début de la Radiodiffusion, la fiction a tenu une place prédominante dans les programmes radiophoniques, et dans les années 1950 et 1960, c'est l'âge d'or de la fiction.

Les dramatiques sont des œuvres théâtrales et littéraires ayant fait l'objet d'une adaptation leur conférant un caractère d'œuvre radiophonique. Les œuvres originales créées spécialement pour la radiodiffusion sont également considérées comme des dramatiques.

La dramatique radio existe donc depuis très longtemps, et certains réalisateurs le sont depuis les années 50...

Le théâtre à la radio !
Les comédiens sont debouts devant les micros et lisent un texte.
Un bruiteur pas loin, fait... les bruitages...

Le réalisateur de dramatique est responsable du choix de la distribution, du choix des textes, de la façon de réciter des comédiens (ce qu'on appellerait aujourd'hui la "direction d'acteur"), du choix des musiques et des bruits employés pour le fond sonore.

J'ai cotoyé les grands acteurs de cette époque : François Chaumette, Julien Guiomard, Jean Topart, Jacques Toja, Jean-Roger Caussimon, Michael Lonsdale, Jean Rochefort, Jean-Pierre Marielle, Laurent Terzieff, Sami Frey, Jean-Pierre Cassel. Et j'avais une bonne équipe, une bonne ambiance.

L'assistant du réalisateur est responsable d'organiser le "Plan de travail" préalable, en fonction des disponibilités des acteurs et de celui des studios. L'assistant du réalisateur prend note sur papier de tout ce qui se passe pendant l'enregistrement, cela s'appelle le "script", toutes les reprises des comédiens, tous les bruits insolites, pour après en faire le montage. A cette époque c'est encore le technicien qui fait le montage sur les dramatiques, le rôle de l'assistant du réalisateur se cantonne plutôt à un rôle de secrétaire qu'à un rôle de réalisation.
Bon, on est là pour apprendre !

On enregistre encore à l'époque sur des magnétophones Belin à bande magnétique des années 60.
Il faut passer la bande au travers des galets qui servent de freins.

A peine entrés, aussitôt on est licencié !

Quand je suis entrée à l'ORTF Marceau Long en est le PDG.
1974... Présidentielles en France... 19 mai 1974... Valéry Giscard d’Estaing bat François Mitterrand lors du second tour et devient président de la République (1974 à 1981).

Après plusieurs mois de réflexion, Valéry Giscard d’Estaing afin, selon lui, de dépolitiser le secteur audiovisuel, décide de supprimer l'Office de radiodiffusion-télévision française, l'ORTF, qui était en situation de monopole, et qui existait depuis 1964. Manque de rendement, etc etc.

Diminution d'effectif... Cela fait même pas deux mois que j'exerce mes fonctions sur le terrain. Nous, la dernière promotion entrée à l'ORTF, sommes immédiatement tous mis à la porte. Les syndicats se battent pour nous réintégrer.

L'éclatement de l'ORTF en décembre 1974

La loi du 7 août 1974 conduit à la création de sept sociétés différentes, indépendantes, baptisées ironiquement «les 7 nains». Trois sociétés nationales de télévision ont été créées (TF1, Antenne 2 et FR3), Radio France pour la radio, et trois établissements publics : Télédiffusion de France (TDF), Société Française de Production (SFP) et Institut National de l'Audiovisuel (INA).

Radio France pour la radio, a réuni les 4 stations radios publiques.

La maison de l'ORTF est attribuée à Radio France et prend le nom de "Maison de Radio France". Jacqueline Baudrier devient la première dirigeante de Radio France (1975-1981).

Radio France

Mon réalisateur avertit la production qu'il ne peut poursuivre la fabrication du feuilleton dont il a eu la commande sans moi, car je possède toutes les données nécessaires à sa fabrication. Je suis l'une des premières réintégrées, au sein de... Radio France.

Moi, je voulais faire du documentaire, du reportage, du magazine

Bon, autant j'avais aimé le théâtre adolescente, autant je n'aimais pas les dramatiques en radio. Moi je voulais faire du documentaire, du reportage, du magazine. Ce que j'aimais à l'époque à la radio c'était "L'Oreille en coin" sur France Inter. Je n'y ferai que des apparitions, des remplacements...

Dès que je l'ai pu, j'ai demandé à travailler sur d'autres émissions que les dramatiques. Un poste va se libérer... C'est au journal d'actualités de France-Inter, l'assistante prend sa retraite. Jamais je n'aurais imaginé atterrir là... Mon travail consiste uniquement à faire le montage à toute vitesse des bobinos que rapportent les journalistes. Du travail à la chaîne. Ce n'est pas vraiment ce que je voulais faire... Déprime...

Et voilà qu'on me propose le poste sur l'émission "les Chasseurs de son"... À SUIVRE...

J'ai été une invisible

Je n'ai pas reçu la reconnaissance que j'espérais par ce métier. J'étais tenue par un carcan hiérarchique qui m'exaspérait, j'étais très désobeissante, pas malléable du tout. Je ne supportais plus la pression sur la disponibilité 24 heures sur 24, week-ends et jours fériés. J'ai commencé à m'ennuyer dans la répétition de mon travail d'année en année. Voilà pourquoi j'ai décidé de partir à la retraite dès que je l'ai pu. Et j'ai trouvé une nouvelle passion : l'écriture et la réalisation de sites web, une autre façon de "réaliser" de "créer" et de m'exprimer... librement.

Vous ne trouverez pas mon nom ni sur Wikipedia, ni sur tous les blogs de témoignages qui commencent à apparaître sur l’histoire de Radio France. Non, je n'ai pas fait partie de ces créateurs virtuoses du son, des équipes de France Inter la chaîne phare de la radio, ni des émissions cultes de France Culture, "Atelier de Création Radiophonique" ou "Nuits magnétiques".

D'ailleurs il faudra attendre longtemps avant d’entendre dans les génériques des émissions de la radio le terme "Chargé de Réalisation" puis "Réalisation de".

Alors, moi, j'ai trouvé une compensation à cette frustration : le voyage.
Le voyage est devenu ma raison de vivre, ma soupape de survie.

Et quand j'étais loin de la maison de la radio, que je partais "en mission", en festival, parfois à l'étranger, peu de fois mais c'est arrivé, c'est là que j'étais bien.

J'ai lu sur Internet, pardon de ne pas citer le nom de celui qui a écrit cela, c'est que je ne l'ai pas noté.
Mais comme je partage ces mots.

« Dans une Société comme Radio France, il est assez invraisemblable que celles et ceux qui ont fait la radio ne disposent pas d'une fiche bibliographique qui, au-delà de renseigner les chercheurs et autres amateurs éclairés, permettrait de ne pas renvoyer l'histoire de la Radio uniquement à celles et ceux qui ont été au micro ».

Mais voilà qu'aujourd'hui, l'Intelligence Artificielle commence à parler de moi !
Il paraît que mon parcours, je cite l'IA... « illustre les défis et les évolutions du monde de la Radio en France, ainsi que l'impact des changements institutionnels sur les carrières des professionnels du secteur ».

Je n'arrive pas à y croire...

Trente quatre années de carrière et de rencontres

Mes très bons souvenirs, ce sont mes rencontres, comme dans la vie. Dans ce métier on rencontre beaucoup, beaucoup de monde. On fait des rencontres exceptionnelles, des célébrités que le commun des mortel n'aurait jamais la chance de rencontrer. On vit des moments que l'on n'aurait jamais eu la possibilité de vivre, on a accès à des lieux que l'on n'aurait jamais vus, et on vit des situations très privilégiées.

J'ai particulièrement aimé le backstage, la vie avec les musiciens, et l'atmosphère des festivals.

Les bons souvenirs ? il y a des producteurs avec qui j'ai travaillé (pas tous, je dois le dire...) qui m'ont beaucoup apporté humainement, des collaborations devenues des amitiés. Je n'oublie pas les techniciens avec qui j'ai passé de super moments, surtout quand nous étions en déplacement dans les festivals, l'entente était toujours merveilleuse.

Trente quatre années de carrière, cela en fait des rencontres !

au studio 105 Le Mans en régie exterieur

 MA CARRIÈRE, AU MOINS LE DÉBUT    

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